Parlons tout d’abord des magnifiques éditions collector DE LUXE made in USA. Après la trilogie instrumentale, le prestigieux label américain TIME RELEASED SOUND a édité dans sa collection DELUXE, l’album SHORT SERIES OF ARRANGED PIANO.
Colin Herrick aux commandes du label en dit :
“un nouvel album de miniatures de piano introspectives et teintées d’électronique de notre compositrice française préférée, Catherine Watine. Il s’agit de notre 4ème album avec Catherine, et encore une fois, à sa manière mélancolique et mélodique, elle s’adapte parfaitement à notre esthétique auditive. Ces belles petites pièces vous feront rêver d’après-midi parisiens pluvieux, de mécanismes d’horlogerie et de rencontres mystérieuses du cœur.”
Son label TRS (Time Released Sound) est responsable du packaging et du design de la version limitée Deluxe de l’album, cette fois dans une édition de seulement 40 exemplaires. Voici une sélection de clichés documentant certaines des premières idées que nous avons eues pour le packaging, impliquant l’ouverture de l’image du piano créée par l’incomparable graphiste et magicienne, @vel.visual, alias Caroline Lysiak, qui était également responsable de l’artwork pour les derniers albums de Catherine. Ici, le piano de son œuvre originale a été ouvert, cousu à la main avec de la ficelle et rempli de… plein de choses. Un piano est bien plus qu’un instrument de bois et de cuivres… c’est un vaisseau de sons et d’émotions, à la fois spirituel et physique, de ténèbres et de lumière… un réceptacle sans fond pour tout ce qui est beau !
Premiers retours outre-Atlantique :
- 2 podcasts sur la célèbre émission de Zaph Mann “In Memory of John Peel”
- Dans la playlist d’un épisode de Round at Milligan’s show de la radio sur son mixcloud.
- ABSTRACT : “This arrived over the weekend, and I couldn’t be more pleased. Combining acoustic piano with environmental recordings, found sounds, and other eclectic electronic flairs, this album makes for a beautiful and fascinating listen, full of rainy Parisian afternoons, clockwork mechanisms, and mysterious encounters of the heart.
Honestly, I am just as chuffed with the packaging as I am the music itself. The album’s cover image was hand-stitched with twine and then filled with vintage musical notes, cloth flowers, and netting and the box itself contains a standard printed track list and notes along with a unique, engraved coversheet on a piece 100+ year old sheet music. And finally, nestled in folded, textured book binding paper at the back, is an antique metal music box disc. #13 of 40.
Another smashing release from Time Released Sound limited edition music label.
Les dernières nouvelles de notre côté de l’Atlantique :
OBSKÜRE MAGAZINE (Sylvain Nicolino)
Intéressante formule que cet album : Watine y revient à son amour pour le piano en finalisant des improvisations nocturnes qu’elle avait éparpillées dans le temps. Mais est-ce bien cet instrument qui compte ? Le piano mène la danse, offre la mélodie et insuffle son rythme et ses sentiments dans la façon de jouer, de taper ou caresser les notes…
Pourtant, Catherine ne serait pas Watine sans les arrangements. Sur « Soul Speaking », un souffle drone ténu en deux ou trois notes superposées comme des cordes synthétiques, un « floppement » (flottement/flappement) parfois proche d’une rafale de mitraillette, qu’on entend d’autres fois comme un battement d’ailes (alors qu’il ne varie que peu). C’est cet environnement à la chose piano qui donne sa densité à la partition, créant un tout mouvant, élégant et racé, certes, mais curieux et un peu inquiétant.
Les nappes de vagues et les fields recording de cris d’oiseaux nocturnes sous la pluie, les volutes synthétiques se font plus appuyés sur « Early Days » : la suite mélodique à deux voix (main droite et main gauche alternent et embrassent leur partition sans qu’on puisse dire que c’est réellement la droite qui a la main, avec son note à note simplifié au regard des harmoniques délicates et perturbées que joue la gauche). C’est très beau, car on se promène avec l’artiste, dans un romantique jardin des souvenirs ; le piano joue les diverses émotions qui la traversent alors qu’elle ralentit, fait un pas de côté, se penche vers un buisson ou se pose sur une chaise.
La pluie se fait plus forte, accompagnée d’étranges bêlements au violon sur la première minute d’« Unbroken Fields » ; il y a du Hitchcock là-dedans pour la grâce, le désespoir et l’attachement. Les émotions se succèdent rapidement, Watine venant réconforter et réchauffer l’auditeur : le soin apporté à la spatialisation des sons, à leur structuration autant spatiale que temporelle se rapproche des puzzles de la musique concrète plus que des partitions cinématographiques : c’est très précis ; et tandis que la voix en français arrive en retrait pour le poème, c’est un écrin de toute beauté qui accompagne quelques mesures et se referme. Je regrette qu’en dehors de ce passage ce disque soit uniquement instrumental car la voix de Catherine et ses mots sont touchants. Ce sera mon seul bémol.
Plus loin, plus tard, un autre soir, « Feels like a Breath » convoque également des cordes pour créer un reposoir élégant mais légèrement détraqué, le Pleyel refusant les gammes classiques et le conservatisme. La présence d’une scie musicale sur quelques notes emmène plus haut, ouvre les fenêtres. Pas de hasard si Watine a choisi de nommer sa maison la Chapelle : il y a des murs et un Ciel, des invités et un Mystère. Même pour elle, la résidente, la créatrice, il y a cette part d’inconnu qui surgit devant le clavier ou la console de l’ordinateur.
Avec « All over the Place », un autre choix se fait jour ; on a toujours ce rappel de ce que j’ai nommé le « floppement » plus haut, mais la composition est plus tortueuse, rendant visible l’assemblage, comme une créature composite, coutures apparentes. « Folie Piano » tire à hue et à dia : basse, poussée jazzy (qui m’évoque encore un peu Squiban), martèlement d’un train, sonorités comme d’un piano préparé par instants, éclat soudain de la note finale… Retour des mélancolies mineures pour la suite « Odds & Ends », qui va et vient, virevolte, lumineuse et tragique, avec cet air de cauchemar qui tourne autour du fait des arrangements (une sorte de jeux de bracelets et de grelots accompagnant des pas invisibles). « Tendre Brume » insiste davantage sur la notion d’accords jouant avec les dysharmonies et une sorte de chœur glacé, sans doute l’un des titres les plus sombres de ce bel ensemble.
SUBJECTIVISTEN webzine et radio néerlandaise (Jan Willem Broek)
Pour faire la transition entre le soir et la nuit, ou entre chien et loup comme elle le dit, la chanteuse, pianiste et compositrice française Catherine Watine joue souvent de la musique sur son piano Pleyel avec seulement une petite lumière allumée. C’est devenu une sorte de rituel. Après sa trilogie impressionnante (qui se compose secrètement de quatre parties), commençant par Géométries Sous-Cutanées (2019) et se terminant l’année dernière par Cinétique Géostationnaire, elle a sorti un nouvel album Short Series Of Arranged Piano aux alentours de Noël dernier. Contrairement à son mélange habituel de trip-hop, de chansons, de pop alternative, de musique néoclassique et plus tard avant-gardiste et expérimentale, tant en solo qu’avec PHÔS et le trio This Quiet, elle partage ici principalement ses mélodies nocturnes, faites essentiellement au piano. Elle y ajoute ici et là du violoncelle, des enregistrements de terrain, des interventions de batterie et des voix. L’ensemble est devenu extrêmement mélancolique et désolé. L’un des auteurs du livret l’exprime très joliment : “La différence entre la désolation et la tristesse réside dans la distance à laquelle se tient celui que nous avons perdu. Avec chaque pièce de Catherine Watine, l’oreille mesure cette distance croissante avec la mémoire et le réconfort qu’elle offre”. Et c’est bien ce que l’on ressent soi-même face à cette musique qui réussit avant tout à capter l’imagination ; au lieu de “série”, “histoires” n’aurait pas été de trop non plus.
Les fans d’Erik Satie, de Frédéric Chopin, de Jean Claude Debussy, de Library Tapes, de David Darling, de From The Mouth Of The Sun et de Gavin Bryars, entre autres, apprécieront également cette musique. Un album plein de splendeur nocturne, intime et réconfortante.
POSSIBLEMUSICS – Note 8.0/10 – Néo-classique, ambient music (Benoit Richard)
Avec Short Series of Arranged Piano, Watine poursuit l’édifice d’une œuvre aussi émouvante et ambitieuse, entre ambient et néo-classique, avec toujours une part expérimentale qui se traduit notamment par la présence de fragments sonores non identifiés qui viennent recouvrir les notes du piano comme une sorte de voile léger. Watine nous présente là un album presque hors du temps et des modes, que l’on imaginerait volontiers sortir d’un vieux gramophone, rappelant par moment les musiques rattachées au courant appelé hantologie. Constituant la BO pour film muet imaginaire, ces 9 morceaux forment une œuvre minimale assez bouleversante, dans laquelle beaucoup de place est laissée au silence.
SUN BURNS OUT (Benjamin Berton)
La différence entre la désolation et la tristesse repose sur la distance à laquelle se tient celui ou celle qu’on a perdu. Sur chaque pièce de Catherine Watine, l’oreille mesure cet éloignement progressif du souvenir et du réconfort qu’il procure. L’espace entre les notes est parfois si vaste et empli de souffles gouffres, de craquements et de sons trompe-la-mort qu’on se croirait parfois dans un rêve ou invité à une séance de spiritisme. Soldat blessé qui contemple le champ de bataille tiède. Paysan promeneur devant la plaine fumeuse de brume au matin clair d’un jour de printemps. Amant qui couvre le lit défait et délaissé par celle ou celui qui s’y tenait hier. Musicien égaré sur le pont du Titanic, tandis que les canots s’éloignent, comme chez Gavin Bryars dont on ne peut s’empêcher de songer que le travail de Catherine Watine est la réplique féminine, comme un mirage de beauté déposé à nos pieds.
Nos doigts touchent de la pointe ceux de la pianiste qui jouent. Ils glissent sur l’ivoire végétal en même temps qu’elle, si bien que nous sommes à la fois l’oreille et la main qui joue. Short Series of Arranged Piano résonne de manière si intime qu’il nous fait croire parfois que nous en sommes l’auteur et que ce qu’on entend se joue à l’intérieur de nous. Ce n’est pas un petit prodige d’être aussi proche en naviguant si loin. On vient ici pour le mystère.
On ne prend pas si souvent le temps ici comme ailleurs de dire à quel point la musique de Catherine Watine est unique en son genre. Autour de son piano à ailes, Watine fait bouger tout un monde, versant, selon les disques et les envies, dans un travail solitaire et contemplatif, dans un travail poétique et chanté, ou dans une approche plus ouverte et collaborative, où entrent en scène d’autres artistes/chanteurs et des machines venues dire à quoi ressemblera le monde dans mille ans. Watine a sorti à l’automne 2023 un album intitulé Short Series of Arranged Piano que l’on rattachera aisément à la première veine, mais Catherine Watine continue à exploiter visuellement du moins l’album précédent intitulé Cinétique Géostationnaire qui relevait plutôt de la dernière, celle où la solitude de l’artiste est contaminée par la technologie.
A voir un nouveau clip de cet album) qui accompagne le remarquable morceau Frolic Thrills
https://youtu.be/nIHyVru-52c?si=ZvjdusyLNVkucTya
Pour les amis des animaux, Frolic ne renvoie pas (non, non) aux célèbres croquettes pour chiens mais veut bien dire « gambader » en anglais (mais c’est bien sûr). C’est ce que donne à voir cette illustration assez fascinante d’un corps (un promeneur, une promeneuse) qui se frotte aux éléments qui constituent le monde. Tout bouge, tout s’ébroue, tout se frotte, tout glisse. Le clip, réalisé par l’artiste elle-même (sans doute pas avec de gros moyens, mais avec pas mal de temps), suit ou précède la musique et ondule sous nos yeux tandis que le piano file une trajectoire sinueuse entre les dimensions. Les cordes synthétiques (?) amènent du charme et de la mélancolie au propos, faisant de ce frisson baladeur un mélange d’éveil au monde et d’inquiétude devant ce qu’on découvre.On ne conseillera jamais assez d’aller voir sur le Bandcamp de Watine pour faire le rattrapage nécessaire et s’imprégner de cette musique immersive.
INDIEPOPROCK (Yan Kouton)
Un album centré plus que jamais autour du piano. Tout juste réhaussé, discrètement accompagné par des sons non identifiés, de rares cordes, des arrangements aussi sophistiqués que pertinents. Ils tressent aux côtés du jeu de Watine d’inspirantes échappées. Autant d’éléments qui renforcent la dimension contemporaine d’une musicienne que l’on aurait bien vu membre du groupe des Six, si elle avait vécu au début du XXème siècle.
A l’instar de ces artistes, et de leur inspirateur Satie, Watine semble avoir trouvé, ici, la clef d’une musique sans âge, libérée totalement des modes, mais également d’un conformisme sclérosant. Rien n’est plus vibrant et moderne, dans le sens le plus fort, que ces morceaux nourris d’une époque fragmentée. Une époque qui ne cesse de redécouvrir le passé, et de le réagencer sous le poids d’une technologie toujours plus puissante.
Il ne s’agit donc pas de refuser ce mouvement, ni d’en adopter aveuglément les facilités parfois terrifiantes, parfois vertigineuses. Il s’agit de replacer l’individu dénué d’artifice au cœur de la création. Pour ne jamais perdre le sens profond de son humanité. Rien n’est plus avant-gardiste que cette démarche-là.
Les ‘Short Series’ sont composées dans ce matériau. A la fois néoclassiques et totalement contemporaines, elles convoquent l’âme de Satie pour la projeter dans l’univers d’une compositrice plus touchante que jamais.
Plus proche que jamais d’une certaine épure, pour ne pas écrire perfection. Où se mêlent minimalisme et musique répétitive, apparitions sonores fantomatiques et inquiétantes, lumières quasiment romantiques.
Voici le disque d’un temps traversé par des progrès extraordinaires, des peurs tenaces. Le disque d’un nouveau temps qui s’annonce dans la souffrance et l’espoir.
POPNEWS (David Guérin)
Outre celui du pas de côté, qui lui permet d’explorer des univers artistiques toujours plus vastes, de disque en disque, Catherine Watine maîtrise l’art rare et délicat d’abolir les espaces-temps, invitant ici la délicatesse d’un Claude Debussy au cœur de la tonitruante modernité de notre siècle. Aussi gracile que profonde, sa musique, sur ces neuf éclaircies pour piano arrangé, tisse un lien bouleversant entre méditations métaphysiques et monde extérieur, qui s’invite par touches discrètes mais essentielles (on entend l’eau, l’air, les bruits de la nature et les sons de la ville) afin de créer un fascinant refuge de sérénité, d’intimité et de conscience. Conscience de soi, des autres, de la mélancolie des êtres et des choses, de nos songes aux racines telluriques. Et de l’allégresse, parfois enfouie mais toujours présente, d’être vivants…
Florian Claude, auteur et musicien
On l’imaginerait ainsi : Un rideau bouge, laissant apparaître, de façon fugace, un visage derrière une fenêtre. Une lumière diffuse dessine les contours de ses cheveux, ombrage les contrastes. Elle regarde dehors, sans être vue, cherche à capter un sens aux mouvements aléatoires qui rythment cette rue qu’elle fixe. Puis s’en retourne traduire ses impressions sur son piano. Le rideau, la lumière, la fenêtre, le piano. Des éléments figés, renvoyant à un imaginaire impossible à dater. Comme si depuis Chopin ou Debussy, la représentation se cristallisait dans un tableau naturaliste, lequel n’oublierait pas d’évoquer un thème aussi majeur qu’intemporel : la solitude.
Mais quelle solitude ? Celle que l’on feint de fuir ou celle que l’on cherche ? Celle qui recentre ou celle qui disperse ?
Celle qui sautille dans “Early days” sur un clavier qui se fait marelle nostalgique, hésitant entre terre et ciel, corps et esprit ? Ce ne doit pas être un hasard si “Folie Piano” semble invoquer le regretté Esbjörn Svensson, pianiste au groove enraciné et aux mélodies célestes. Et puisque Catherine Watine aime jouer avec le temps, elle en profite pour s’amuser avec les époques et nous faire voyager en terre romantique dans “Feels like a breath”, filant le thème du souffle et du temps sur cet enchaînement de titres finaux. Rappelant ainsi que la vie est ce court silence entre deux notes, entre deux mains.
Alors que la main gauche pose ses fondations dans la Terre, la droite interroge le ciel. Elles se rencontrent pour échanger leurs découvertes au centre du clavier avant de repartir explorer leurs frontières. Aucune bordure ne les arrêtera, car si elles jouent dans un cadre, leurs combinaisons sont infinies. D’autant qu’elles s’amusent avec notre meilleur ennemi. Parce qu’elles ont compris, les mains, qu’en faire un ami était la clé de l’infini.